D’après les auteurs il semblerait que les hommes ne soient pas la seule espèce qui noie ses chagrins d’amour dans l’alcool. En effet la drosophile (Drosophila melanogaster) aurait des comportements similaires. Les scientifiques ont constaté que les mouches sexuellement frustrées choisissent de consommer plus d’alcool que leurs pairs sexuellement actives, le sexe et la consommation d’alcool activeraient la même voie neurologique dans leurs cerveaux.
Les drosophiles mâles savent très bien comment séduire une femelle. La mouche mâle émet ce qu’on pourrait comparer à un chant d’amour par vibration de ses ailes, et va doucement renifler les pièces génitales de la femelle afin de la convaincre qu’il est un bon amant. Mais ces envolées romantiques restent toujours vaines face aux drosophiles femelles déjà fécondées, les scientifiques les ont donc utilisées pour voir comment le rejet affecte le comportement des mouches mâles éconduites.
L’auteur principal de l’étude explique que «L’alcool est l’un des médicaments les plus largement utilisés et abusé dans le monde». La mouche du vinaigre Drosophila melanogaster est un organisme modèle idéal pour étudier la façon dont l’environnement social module ce comportement. Des études antérieures ont montré que la drosophile est capable de comportements complexes comme la toxicomanie. Ainsi, dans l’environnement contrôlé du laboratoire de l’Université de San Francisco (UCSF), les chercheurs ont mis en présence les mouches mâles, avec trois types de femelles:
– des femelles non fécondées disponibles pour l’accouplement;
– des femelles déjà fécondées rejetant activement les mâles;
– des femelles décérébrées qui de fait ne peuvent rejeter les mâles, ni s’accoupler volontairement.
Puis les mâles ont été satisfaits ou frustrés avec ses différents types de femelles. Les chercheurs ont mesuré la consommation d’alcool chez les mouches frustrées et celles ayant pu s’accoupler afin de voir s’il y avait un lien entre le sexe et l’alcool.
Ils ont ainsi mis en évidence que les mouches qui ont été rejetées boivent beaucoup plus que celles satisfaites! De plus la présence de femelles décérébrées permet de dire que ce n’était pas l’aspect social du rejet, mais bien la privation sexuelle qui pousse les mouches mâles à accroître leur consommation d’alcool.
Les scientifiques ont ensuite tenté d’expliquer ce comportement. Quels sont les moteurs qui poussent une mouche frustrée à se soûler? Afin d’étudier le mécanisme sous-jacent de ce phénomène, les scientifiques ont examiné le cerveau des mouches. Un neurotransmetteur en particulier, le neuropeptide F (FNP), qui semble lié aux comportements alcooliques des drosophiles. Il existe d’ailleurs un neurotransmetteur très similaire dans notre cerveau, appelé neuropeptide Y (NPY), est également connus pour être relié à l’alcoolisme.
L’équipe a constaté que la frustration sexuelle a provoqué une baisse immédiate de l’expression des FNP, alors que le sexe a provoqué augmentation de l’expression des FNP. En outre, ils ont modifié les gènes de certaines drosophiles mâles pour diminuer artificiellement les niveaux des FNP des mouches satisfaites, et ces dernières ont bu autant que les frustrées. A l’inverse les chercheurs ont artificiellement augmenté les niveaux de FNP, et les mouches resté sobres même frustrées. C’est la première fois que les niveaux de FNP sont relié l’activité sexuelle et de toute évidence, les niveaux de FNP induisent le désir des mouches de boire.
De nombreux animaux, y compris nous-mêmes, possèdent un système neurologique de la récompense qui renforce la bonne conduite. Grâce à ce système, nous attribuons le plaisir ou des sentiments positifs aux activités qui sont nécessaires pour la survie de l’espèce, comme l’accouplement, l’alimentation, et l’interaction sociale.
Certains médicaments utilisent aussi ce système pour stimulant le plaisir ce qui peut mener à la dépendance. Des études antérieures ont par exemple montré que les mouches du vinaigre trouvent l’intoxication enrichissante, de sorte que les chercheurs ont présumé que les FNP peuvent jouer un rôle dans le système de récompense. Des tests de préférence ont montré que l’augmentation artificielle des niveaux FNP en l’absence de sexe ou de l’éthanol constitue une récompense pour les mouches, ce qui confirme l’hypothèse précédente. Ceci a été encore étayée par le fait que l’activation des FNP aboli la tendance des mouches à considérer l’éthanol enrichissant.
Les auteurs expliquent que«Les FNP seraient une monnaie de la récompense». C’est une découverte vraiment innovante, car, tandis que les FNP et leur version mammifère, les NPY, ont été liés à la consommation d’alcool, aucun modèle animal n’a jamais montré que les FNP / NPY intervenaient dans le système de la récompense.
La compréhension du rôle des FNP dans les systèmes de la récompense peut conduire au développement de meilleurs traitements pour les toxicomanes. Chez les mammifères, y compris les humains, le NPY peut avoir un rôle similaire aux FNP de la drosophile. Si c’est le cas, on pourrait arguer que l’activation du système NPY dans les régions du cerveau appropriées pourrait inverser les effets néfastes d’expériences traumatisantes et stressantes, qui mènent souvent à l’abus de drogues. Les NPY et les médicaments qui affectent la fonction de ses récepteurs sont déjà en cours d’essais cliniques dans le traitement de l’anxiété, du stress post-traumatique, des troubles de l’humeur et de l’obésité. Cette étude suggère également qu’ils pourraient être utilisés dans le traitement de l’alcoolisme, ou de la toxicomanie.
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Si vous êtes intéressés pour étudier les résultats obtenus voici la référence de l’article: Shohat-Ophir, G, KR Kaun & R Azanchi (2012). Sexual Deprivation Increases Ethanol Intake in Drosophila. Science 335: 1351-1355.
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Article agréable et riche, merci de nous en faire part!