Étude du comportement de deux espèces de passereaux: la mésange et le pinson
Auteur: Anaïs Allard (Merci de contacter l’auteur avant toute reproduction. Les figures sont également disponibles auprès de l’auteur.)
Introduction
Cette étude a pour but d’analyser le comportement et l’occupation de l’espace du Pinson des arbres et de la Mésange charbonnière en fonction des caractéristiques des zones étudiées (végétation, présence de cultures, conditions météorologiques…) et de la présence d’individus conspécifiques ou non.
Pour cela, nous avons travaillé sur le site de la Combe à la Serpent (parc municipal de Dijon).
Matériel et méthode
Site d’étude
Le site d’étude du TP se trouve à l’ouest de Dijon dans le parc de la Combe à la Serpent. Il s’étend sur 326 hectares composés de feuillus, conifères et de grands champs et pelouses. Nous avons délimité deux zones d’études de 100 x 100m :
– Une zone dite « fermée », à la végétation dense (arbres feuillus et conifères disposés en patchwork ainsi que quelques arbrisseaux).
– Une zone dite « ouverte », à la végétation clairsemée (pelouse, champs bordés de quelques arbres et buissons).
Structure de la communauté végétale
Au cours de la première sortie nous avons observé une répartition hétérogène de la végétation. C’est pourquoi afin d’avoir des quadrats (5m x 5m) les plus représentatifs du milieu analysé, nous avons délimité des zones d’étude d’altitude et de composition des strates végétales différentes.
La végétation observée peut être classée de la manière suivante :
Méthodes d’analyse statistiques
Notre travail a ensuite été d’étudier le comportement des mésanges et des pinsons dans ces milieux en fonction des paramètres suivants :
➔ Type de milieu
➔ Type et hauteur de perchoir
➔ Diffusion d’un chant (pendant 2 minutes) ou non
➔ Comportement face au chant d’une autre espèce
➔ Météorologie
Ces observations nous ont permis d’une part, d’établir la richesse taxonomique et la diversité de chaque quadrat grâce notamment à l’indice de Shannon (H’):
D’autre part, la réalisation de courbes de richesse cumulée est un bon indicateur pour connaître le nombre de quadrats nécessaire à l’étude.
Résultats
Composition de la végétation
Voici les tableaux présentant les espèces végétales présentes dans chaque quadrat en milieu ouvert ou fermé. L’étude de la richesse taxonomique nous a permis d’établir des courbes de richesse cumulée. A l’aide de ces courbes nous avons pu déterminer le nombre de quadrats nécessaire à notre étude (formation d’un plateau) que nous avons ensuite randomisé afin d’obtenir un outil statistiquement plus fiable.
– Milieu Fermé :
Pour randomiser nos résultats nous avons pris de façon aléatoire 12 ordres différents de relevé, ce qui nous donne une courbe de richesse cumulée moyenne :
Notre courbe tend vers une asymptote horizontale, nous avons donc un nombre suffisamment important de quadrats pour notre étude. Par ailleurs, la zone fermée est majoritairement représentée par la strate arborescente. On distingue notamment parmi les feuillus, le charme comportant beaucoup d’insectes (chenilles en particulier) qui sont la source principale de nourriture des Mésanges charbonnières; et parmi les conifères, le Pin noir dont les pommes de pin (graines) fournissent une grande partie de la nourriture des Pinsons des arbres.
– Milieu ouvert :
De la même manière, la randomisation de nos résultats avec 8 ordres différents de relevé, nous donne une courbe de richesse cumulée moyenne :
Notre zone ouverte correspond à une parcelle agricole bordée par une lisière dont les plantations sont d’origine humaine (pommiers, pépinière). La randomisation ne nous donne pas tout à fait un plateau, notre étude sur cette zone sera donc moins pertinente.
Comportement animal
Pour étudier le comportement de ces deux espèces de passereaux nous avons, dans un premier temps, cherché les individus dans les zones étudiées et les avons observés chacun pendant deux minutes avec ou sans diffusion d’un chant.
Nous n’avons pas observé de Mésanges charbonnières dans ce type de milieu durant nos sorties.
Discussion des résultats
L’ensemble des observations réalisées permet de mettre en évidence des différences comportementales importantes entre les deux espèces de passereaux, à la fois par rapport aux strates de végétation occupées, au passage d’un chant de l’espèce mais aussi de façon générale entre la Mésange charbonnière et le Pinson des arbres.
Rôle de la végétation et du milieu
Le Pinson des arbres ne semble pas avoir de préférence entre un milieu « ouvert » et un milieu « fermé » : « Le pinson abonde partout, pourvu qu’il trouve des arbres en massifs ou disséminés (bois de conifères et de feuillus) (F.Baüerle et al. 1971) » Il évolue dans une végétation arbustive ou arborescente dominée (2 à 10m environ), ses perchoirs peuvent être des feuillus ou des conifères.
Il est tout d’abord important de remarquer que la Mésange charbonnière ne se trouve que dans le milieu ouvert, aucun spécimen n’a été trouvé dans la zone boisée. Néanmoins, celle-ci occupe très largement les lisières de la forêt. Elle a tendance à se regrouper soit sur les branches ou soit pour survoler les champs. Elle évolue un peu plus haut que les pinsons mais peut également se retrouver sur le sol pour rechercher des invertébrés : «Une part importante de la nourriture distribuée aux jeunes est formée par des chenilles, des papillons qui peuvent représenter 90% du régime alimentaire. Les mésanges contribuent à réduire les populations d’insectes grâce à leur régime insectivore au printemps et en été (Paul Géroudet 2010) » Les observations n’ont pas permis de mettre en évidence une préférence pour les essences de feuillus ou de conifères néanmoins Paul Géroudet (2010) montre que « le milieu le plus favorable à la Mésange charbonnière est le » parc », c’est-à-dire le paysage semi-boisé. Elle a une préférence très nette pour les essences à feuilles caduques […] elle habite surtout les lisières de forêt et se raréfie dans les massifs compacts de résineux »
Comportements généraux des oiseaux
L’étude du comportement des deux passereaux sans diffusion de chant a permis de mettre en évidence une différence notable d’activité :
La Mésange charbonnière semble être un individu particulièrement actif à cette période de l’année. Les individus observés volent fréquemment d’arbre en arbre, se disputent, poussent des cris et sautillent rapidement dans les champs ; tout cela donnant une impression d’agitation frénétique quasi-permanente, ce qui a rendu les observations difficiles. Il faut savoir que les mésanges sont majoritairement insectivores en cette période de l’année : elles sont en permanence à la recherche de chenilles, larves, araignées ou autres invertébrés dans les jeunes pousses de feuillus ou dans les champs. La relative abondance de chenilles sur les jeunes feuilles caduques peut expliquer la légère préférence des mésanges pour les caducifoliés.
Le Pinson des arbres, à l’inverse de la mésange, se distingue par un comportement nettement moins actif en l’absence de stimuli. En effet, les observations de pinsons ont été plus faciles car les individus sont moins mobiles. Un individu peut rester plusieurs minutes sans activité particulière autre que le chant. Nous n’avons pu observer que des mâles lors de notre étude, existence d’un dimorphisme sexuel chez cette espèce : « les mâles adultes ont les parties inférieures rosâtres avec le bas-ventre blanchâtre […] les femelles ont le dos brun-vert-olive et les joues grises » (www.oiseaux.net/oiseaux/pinson.des.arbres.html). Les rares déplacements de cette espèce en l’absence de stimuli lors de nos séances d’observation ne nous ont pas permis d’établir un comportement alimentaire. Cela pourrait s’expliquer par le temps pluvieux lors de nos séances d’observation ou par le créneau horaire (après-midi) qui ne correspondrait pas à la période consacrée à la recherche de nourriture chez le Pinson des arbres.
Réactions à la présence d’individus conspécifiques ou non
Le pinson et la mésange n’ont pas eu de réaction particulière lors de la diffusion du chant d’une autre espèce, les individus d’une autre espèce ne représentent donc pas de concurrents potentiels pour la reproduction ou le territoire. La présence d’individus non conspécifiques n’a donc probablement pas d’influence sur le comportement de ces deux passereaux.
La diffusion d’un chant de la même espèce chez le pinson a provoqué de vives réactions, surtout dans la zone ouverte. En effet, la diffusion de chants dans la zone « ouverte » a systématiquement entraîné des réponses de la part des individus alentours. Dans un deuxième temps, un seul individu pour chaque lieu de diffusion a répondu de façon plus insistante et s’est approché de la source auditive, jusqu’à moins de deux mètres. Le pinson est alors très excité et tourne autour de la source en répondant immédiatement à chaque chant diffusé.
Cette proximité nous a permis de bien distinguer le plumage de chaque individu mais aussi la façon dont le pinson chante : l’oiseau « gonfle » son ventre puis le « dégonfle » en chantant. Cette activité répétée constitue manifestement une dépense énergétique supplémentaire pour l’animal tant pour le déplacement vers la source auditive que pour le chant ; ce qui correspondrait typiquement à un mécanisme de défense du territoire. Le chant diffusé s’assimilerait donc à celui d’un potentiel rival, le pinson mâle assurerait alors à cette période de l’année, une surveillance de son territoire (dépense de temps et d’énergie) au détriment des autres phases concomitantes à la reproduction (construction du nid, couvée) : « les petits sont nourris par les deux parents, mais principalement par la femelle, le mâle étant occupé à chanter en vue d’une autre couvée (F.Baüerle et al. 1971)»
Les Mésanges charbonnières ont réagi de façon plus irrégulière à la diffusion d’un chant, se montrant moins « curieuses » et ne s’approchant pas aussi près de la source du chant. Leur comportement est donc peu affecté par la diffusion d’un chant d’individu conspécifique, la mésange va garder ses distances et éventuellement répondre sans changer forcément d’activité. Nos observations nous amène à penser que cette espèce à tendance à vivre de façon grégaire et moins territoriale que le pinson.
Conclusion de l’étude
La réalisation de cette étude a été difficile du fait de conditions météorologiques défavorables (pluies abondantes, températures basses pour la saison, faible ensoleillement) qui ont restreint nos observations et nous ont contraints d’effectuer des sorties supplémentaires. Par ailleurs, nos séances étant l’après-midi, les périodes d’observation n’ont donc pas été les plus favorables pour étudier la plus forte activité journalière chez les passereaux.
Pour avoir une étude réellement significative, il aurait fallu multiplier les séances d’observation à des heures plus matinales. En effet, le faible nombre de données rassemblées nous permet seulement de formuler des hypothèses sur le comportement de ces passereaux, en aucune manière de définir des traits comportementaux exacts.
Bibliographie
• P.Géroudet, 2010. Les passereaux d’Europe Tome 2 : de la Bouscarle aux Bruants, 165 – 166
• F.Baürle, L.Binder, W.Eigener, F.Murr, R.Scholz, J.Streege et R.A.Vowles, 1971. Oiseaux, planche 22.
Auteur: Anaïs Allard (Merci de contacter l’auteur avant toute reproduction. Les figures sont également disponibles sur demande.)
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