Caractérisation de Listeria monocytogenes et de sa capacité à former des biofilms
Auteur: François Xavier Bergeron, 2011. (NB: pour consulter les figures contacter l’auteur)
INTRODUCTION
1. Présentation du Laboratoire
1.1. Présentation de L’INRA
Deuxième institut de recherche public français, les recherches de l’Institut National de la Recherche Agronomique sont focalisées sur trois thématiques: l’agronomie, l’alimentation et l’environnement. L’Inra est rattaché au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ainsi qu’au ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire. Ses objectifs sont d’obtenir une alimentation saine et de qualité avec une agriculture durable et compétitive tout en préservant et valorisant l’environnement. L’Inra est ainsi le premier institut de recherche agronomique Européen et le deuxième dans le monde. Il compte environ 1800 chercheurs et 1900 thésards et accueille chaque année près de 1500 chercheurs et étudiants étrangers. L’institut est composé de 208 unités de recherche dont 137 unités mixtes de recherche (UMR) associant l’Inra à d’autres organismes de recherche ou d’enseignement supérieur.
1.2. Présentation du centre de DIJON
Depuis 1946 l’Inra est présent en Bourgogne. Le centre de Dijon reprend les mêmes thématiques de recherche et d’action que celles du national c’est à dire l’alimentation, l’agriculture et l’environnement. Il est constitué de 12 unités dont 10 UMR et comprend 410 titulaires dont 200 chercheurs et ingénieurs.
• L’UMR Microbiologie du Sol et de l’Environnement (MSE)
Cette UMR est sous la tutelle de L’INRA et de L’Université de Bourgogne et a trois axes de recherches. Dans un premier temps celui de définir les paramètres microbiens et géochimiques pour caractériser la qualité des sols. Puis de connaître et comprendre les processus microbiens pour pouvoir caractériser les fonctions contribuant à la qualité de notre environnement et de nos aliments. Et enfin celui de gérer ou d’orienter l’activité et les fonctions des microorganismes concernés pour par exemple réduire l’utilisation de pesticides et ainsi améliorer la qualité de nos aliments.
Avec ce stage j’ai pu intégrer l’équipe 4 de l’UMR MSE dont le responsable est Alain Hartmann. Cette équipe a pour but de gérer les populations microbiennes pathogènes ou bénéfiques dans les sols et l’environnement.
2. Présentation du sujet
2.1. Listeria monocytogenes
Listeria monocytogenes (fig.1) est une bactérie ubiquiste pouvant causer de sévères maladies qui mènent à l’hospitalisation voir à la mort (Mead et al., 1999). C’est l’agent pathogène de la Listériose. La listériose humaine résulte principalement de l’ingestion d’aliments contaminés, les personnes âgées, enceintes, nouveaux nés et personnes immunodéprimées sont les plus susceptibles d’être atteints. Les personnes immunodéprimées incluent les gens atteint du sida, ou prenant des médicaments immunosuppresseurs comme les corticostéroïdes pour les traitements du cancer (Rocourt et al., 1997). La listériose à un temps d’incubation élevé ce qui rend difficile l’identification du pathogène et la traçabilité de l’aliment contaminé.
Le cycle infectieux de L.monocytogenes (Vasquez-Boland et al., 2001) et ses facteurs de virulence sont maintenant bien caractérisés (Renier et al., 2011). Le pathogène entre dans la cellule des mammifères par phagocytose, la bactérie est alors internalisée dans une vacuole. Après avoir lysé la membrane de la vacuole, la bactérie va pouvoir se déplacer dans la cellule grâce à la formation d’une queue d’actine et ainsi coloniser d’autres cellules. L’infection se manifeste chez les patients par une méningite, une septicémie ou bien encore par une maladie neuropathique (Vasquez-Boland et al., 2001).
L. monocytogenes peut être retrouvée dans beaucoup de process alimentaire : produits laitier, produits laitier, radis, choux, produit de la mer … (Rocourt et al., 1997).
L. monocytogenes peut survivre et se développer dans un très large éventail de conditions environnementales, elles est psychrotrophe, résiste à des pH acide ou bien encore à des concentrations de sel élevé. On observe par exemple que soumis à de faible pH, cela induit chez L .monocytogenes une réponse, la rendant résistante aux conditions acides (O’Driscoll et al., 1996).
Il y a donc une adaptation importante pour la survie de la part de L. monocytogenes aux conditions environnementales grâce à des mécanismes tels que la formation de biofilms, le Quorum Sensing ou bien encore des résistances aux antibiotiques.
2.2. Biodiversité
L.monocytogenes présente un niveau d’hétérogénéité très élevé d’une souche à l’autre et plusieurs techniques ont été développées pour les différencier. Le sérotypage a été la plus utilisée et a permis de différencier 4 sérogroupes et 13 sérotypes distincts : 1/2a, 1/2b, 1/2c, 3a, 3b, 3c, 4a, 4b, 4ab, 4c, 4d, 4e et 7. Une technique de génosérotypage basées sur la PCR multiplex a été développée pour faciliter et accélérer la discrimination des isolats (Doumith et al., 2004). Des différences de virulence existent suivant les souches de L.monocytogenes, les données épidémiologiques indiquent que toutes les souches n’ont pas la capacité de causer des maladies chez l’Homme (Buchrieser et al., 2007). Les isolats provenant de seulement quatre (1/2a; 1/2c; 1/2b et 4b) des 13 sérotypes actuellement identifiés sont responsables de plus de 98% des cas de listérioses humaines signalés (Jacquet et al., 2002).
2.3. Caractéristiques des biofilms
Dans la nature, les microorganismes ne sont pas sous forme de cellules planctoniques mais en communauté dans les biofilms où ils sont attachés à une surface et enfermés dans une matrice essentiellement constituée de polysaccharides mais aussi d’autres composées comme des protéines ou de l’ADN extracellulaire. Les cellules en biofilm diffèrent par beaucoup d’aspects des cellules planctoniques. Hefford et al. (2005) montrent que pour une même culture bactérienne, il y a une plus forte expression des protéines qui sont impliquées dans la réponse au stress et dans les foncions de régulation de la cellule.
Le biofilm confère une bonne protection contre les stress environnementaux (Pan et al., 2009) et permet ainsi aux microorganismes d’augmenter leur résistance aux désinfectants et antibiotiques (Robbins et al., 2005). Les biofilms peuvent se former sur différentes surfaces : matériels médicaux, tuyauteries, canalisations, équipements industriels, comme les installations pour les process alimentaire (Donlan et al., 2001).
La formation de biofilms au sien des process alimentaires et dans les installations de traitement est une préoccupation car les bactéries peuvent être transférées au produit alimentaire (Poimenidou et al., 2009; Koutsoumanis et al., 2010).
Pour L.monocytogenes plusieurs études ont montré que suivant les souches, la capacité à adhérer aux surface et donc à former des biofilms était variée (Kalmokoff et al., 2001; Borucki et al., 2003). Une étude montre une relation entre la formation de biofilm chez L.monocytogenes et la persistance dans l’environnement (Kalmokoff et al., 2001). La formation de biofilm serait augmentée pour les souches persistantes dans le lait par rapport à celles qui ne le sont pas. Cependant ces souches «persistantes» ne sont généralement pas impliquées dans les épidémies d’origine alimentaire (Borucki et al., 2003).
2.4. Formation et structure du biofilm
Le biofilm est généralement produit par une matrice extracellulaire produite par les bactéries elle mêmes. La matrice extracellulaire, qui englobe la communauté de cellules dans le biofilm, est un mélange complexe d’exopolysaccharides, d’ADN, de protéines, et d’autres substances polymériques extracellulaires (polyglutamate, acides téchoïques, …) qui ont pour rôle de stabiliser la structure et de protéger les cellules dans le biofilm (Sutherland et al., 2001). Il a été montré que la matrice du biofilm de L. monocytogenes contient de l’ADN extracellulaire (ADNe), qui joue un rôle important dans l’adhésion initiale et les premiers stades de la formation de biofilm (Harmsen et al., 2010). La participation des flagelles dans la formation de biofilms a également été souligné, mais leur rôle exact dans le processus reste à préciser en raison des résultats contradictoires. Deux systèmes de communication intercellulaires participeraient aussi à la régulation de la formation de biofilm, le système LuxS (Sela et al., 2006) et Agr (Rieu et al., 2007; Rieu et al., 2008 ; Garmyn et al., 2009)
La formation de biofilm peut être divisée en plusieurs étapes clés (fig.2):
– l’adhésion des bactéries planctoniques est suivie de leur prolifération ultérieure pour former des microcolonies.
– la maturation du biofilm dans une structure en trois dimensions
– la dispersion de certaines bactéries libérées par le biofilm, permettant aux cellules d’aller coloniser d’autres surfaces (Renier et al., 2010)
Il apparaît que la structure des biofilms de L. monocytogenes dépend d’une multitude de paramètres, à savoir: la souche, le type de surface ainsi que d’autres conditions environnementales, comme le pH, et la température (Moltz & Martin et al., 2005; Renier et al., 2010).
MATERIEL ET METHODES
1. Support biologique de travail
• Les différentes souches :
L’étude a porté sur 54 souches de Listeria monocytogenes. Ces souches proviennent pour la plupart d’échantillons collectés entre Janvier 1991 et Novembre 1997 à l’hôpital Philippe le Bon de Beaune. Les souches ScottA et EGDe proviennent quant à elles de la collection de l’institut Pasteur à Paris.
Les dernières souches viennent soit du laboratoire départemental de la Haute Vienne soit de la collection du Laboratoire de Microbiologie UMR 1232 de Dijon.
Le détail des souches et leurs caractéristiques sont répertoriés dans le tableau 4 de l’Annexe (Olier et al., 2002 ; Rousseaux et al., 2010).
• Stock de souches :
Les souches étaient conservées dans des tubes à cryocongélation à -80°C.
• Préculture des souches :
Pour les différents protocoles qui vont suivre il nous était nécessaire de préparer les inocula bactériens.
Avant chaque expérience, 100μl provenant des tubes du stock de travail sont inoculés dans 10ml de TSB (Tryptic Soy Broth) et incubés 24h à 25°C. 100μl sont alors inoculés dans 10ml de TSB après 24h à 25°C, cette seconde culture sert d’inoculum.
La pureté des inocula était vérifiée par étalement sur une gélose non séléctive BHI (Brain Heart Infusion).
2. Cinétique de croissance des souches
Le Bioscreen est un appareil qui permet le suivi de croissance bactérienne, pour 200 échantillons simultanément. Ceci nous permet d’obtenir la courbe de croissance de chacune des souches. La microplaque du Bioscreen contient 100 puits que l’on remplit de 300μl de culture. Les puits à la périphérie sont remplit de TSB seul pour éviter que la plaque ne sèche. Il suffit ensuite de programmer l’appareil, dans notre cas le Bioscreen mesurait l’absorbance à 600nm après agitation toutes les 30min à 25°C. Après 24h nous récupérons le fichier excel contenant les données cinétiques des souches que l’on avaient testées.
3. Formation de biofilm
La capacité des souches à former des biofilms était évaluée en mesurant la quantité de biofilm formée après 16h d’incubation à 25°C. Des micro-plaques de 96 puits sont utilisées.
Sur la plaque, la culture est repartie dans 10 puits à raison de 100μL par puits.
On veille aussi à bien mettre du milieu sur tout les puits à la périphérie.
Les plaques sont ensuite inoculées 16h à 25°C.
Avec un laveur de plaque le surnageant est enlevé, seules les bactéries qui ont formé un biofilm avec la plaque restent. Les biofilms sont colorés 45min avec 100μl de cristal violet à 1%.
L’excédent de cristal violet est enlevé puis une extraction à l’éthanol est faite en ajoutant 100μl d’éthanol à 60%. On ajoute un film plastique pour protéger les puits et on laisse jusqu’au lendemain.
L’absorbance de chaque puits à 600nm est alors mesurée.
4. Dosage de l’ADN extracellulaire
• Préparation des échantillons en milieu de phase exponentielle et en phase stationnaire
(après 15 heures d’incubation).
100μL de culture sont additionnés à 900μL de TS, puis une dilution est effectuée en cascade jusqu’à 10-7.
On procède à un dénombrement sur boite TSA (de 10-3 à 10-7) après 24h d’incubation à 37°C
Le reste de la culture est centrifugé (3 min à 10000 tour/min).
Le surnageant contenant l’ADNe est ensuite prélevé et stérilisé par filtration (filtre seringue 20μm). Le filtrat ainsi obtenu est stocké à -20°C.
Les surnageants récupérés seront quantifiés grâce à un dosage au Picogreen.
• Dosage au fluorimètre:
Pour ce dosage, un kit PicoGreen est utilisé, par fluorescence celui-ci permet le dosage des acides nucléiques avec l’établissement d’une courbe étalon.
Préparation de la gamme :
Utilisation d’une solution mère d’ADN de phage lambda à 2μg/ml dans du TE pour la réalisation de la gamme étalon. Puis différents tubes à différentes concentrations sont préparés (Tableau 1):
Dosage des échantillons:
Sur une micro-plaque, 100μl sont déposés que ce soit de la gamme ou des échantillons à doser.
2μl de chaque échantillon est préalablement dilués dans 98μl de TE 1X.
Juste avant l’analyse 100μl de fluorochrome dilué (50μl de Picogreen dans 10ml de TE 1X) et ensuite ajouté dans chaque puits.
L’analyse se fait au Fluoroscan (Labsytem) avec une excitation à 485 nm et une lecture à 538nm.
5. Outils statistiques
Les mesures de chaque souche ont été réalisées en deux ou en trois réplicas.
Pour l’analyse statistique de mes résultats, deux types d’analyse ont été effectuées: L’Analyse en Composante Principale (ACP ou PCA) et la Classification Ascendante Hiérarchique (CAH). La CAH permet d’obtenir un dendrogramme qui regroupe les souches entre elles. Celui ci est formé par agrégations successives en comparant chaque souche entre elles suivant les différentes variables que l’on a choisi. Le dendrogramme obtenu est une sorte d’arbre phylogénétique où les individus qui sont proches ont des variables comparables.
Cette classification prend donc en compte toutes les variables sans pondération pour l’une ou l’autre. L’ACP permet de comparer des variables vis à vis d’une seule qui est dans notre cas la production de biofilm. Elle va permettre de réduire à deux dimensions l’ensemble de données qui contient 4 variables. On obtient ainsi un cercle de corrélation avec les deux axes qui contiennent à eux seuls le maximum d’information et la représentation sous forme de vecteur de chacune des variables.
Utilisation du logiciel R pour ces tests avec l’interface graphique R commander et le package FactoMineR.
RESULTATS
1. Cinétique de croissance des souches
La première partie de cette étude était de caractériser 54 souches de L.monocytogenes. Avec le Bioscreen, nous avons pu déterminer la courbe de croissance de chaque isolat.
Les trois phases de croissance des bactéries en milieu liquide sont ici bien identifiées, on observe la première phase d’adaptation puis une augmentation qui correspond à la phase de croissance exponentielle et enfin la phase stationnaire.
Ces différentes courbes de croissance ont permis d’obtenir différents facteurs tel que le taux de croissance calculé sur la phase exponentielle, la DO maximum atteinte ou bien encore la durée de la phase exponentielle. Ces paramètres sont notés dans le tableau suivant (Tableau 2). Les courbes nous ont aussi permis d’obtenir le temps et la DO correspondante à la demi phase exponentielle qui ont été utilisé par la suite pour les prélèvements d’ADN extracellulaire.
Les souches ont été classées en 4 groupes (rouge, orange, jaune et vert) suivant les trois paramètres du tableau grâce à un outil statistique de Classification hiérarchique par la méthode de Ward. Ceci a permis de regrouper les souches qui ont des données semblables. On observe par exemple que H22 et H29 sont deux souches qui ont un taux de croissance faible mais une DO maximum très élevée. Les souches ont en générale les taux de croissance les plus élevés et les durées de phase exponentielle les plus courtes.
Pour permettre la comparaison, la colonne du nom des souches est légendée elle aussi mais cette fois les couleurs sont attribuées selon leur origine, suivant la légende du tableau 1.
Ainsi nous pouvons observer que dans chacun des groupes statistiquement formés, il y a des souches de toutes les origines.
2. Formation de biofilms
Chaque souche a pu former un biofilm dans les puits. La quantité formée a été quantifiée en mesurant l’absorbance. Cette absorbance mesurée est proportionnelle à la quantité de biofilm qui a été produite pendant les 16 heures d’incubation. La quantité de biofilm pour chacune des souches classées suivant leur origine est présentée figure 4.
Quelle que soit l’origine des souches, il y a une très forte variabilité de la quantité de biofilm. Par ailleurs on voit des écart-types très élevés pour certaines souches tel
que ScottA, H21, H33 et H16, il est donc évident que d’autres réplicas auraient été nécessaires pour pouvoir exploiter ces résultats avec plus de sureté.
La valeur de H33 étant tellement élevée, elle n’a pas été utilisée par la suite lors de l’analyse statistique car elle faussait les résultats.
3. Dosage de l’ADN extracellulaire
Les prélèvements d’ADN extracellulaire ont été fais à la demi phase exponentielle et en phase stationnaire après 15 heures d’incubation. Pour le prélèvement en demi phase stationnaire, nous nous sommes basés sur les données d’absorbance obtenu avec le Bioscreen.
On observe les résultats dans le tableau 3.
Tout comme pour les résultats du Bioscreen, les souches ont été classées en 4 groupes (rouge, orange, jaune et vert) suivant les deux paramètres du tableau grâce à un outil statistique de Classification hiérarchique par la méthode de Ward. Ceci a permis de regrouper les souches qui ont des données semblables. On observe que les souches produisant le plus d’ADNe sont plutôt dans les groupes rouge/orange alors que celles ayant des concentrations plus faibles, sont plutôt classées dans les deux autres groupes.
Ainsi nous pouvons observer qu’il ne semble pas y avoir de rapprochement entre la quantité d’ADNe produit et l’origine des souches.
On observe qu’il y a une grande variabilité de quantité d’ANDe lors de la phase exponentielle, de 180 à 766 ng/ml. En phase stationnaire les valeurs sont comprises entre 330 et 830 ng/ml.
On observe aussi qu’à l’exception de quelques souches, la quantité d’ADNe a augmenté en phase stationnaire.
Afin d’évaluer la possibilité d’une corrélation entre la production d’ADNe et la quantité de biofilm à 16h, ces 2 paramètres ont été représentés sur un même graphique (fig.5).
Au vu de l’observation de ce diagramme, il semblerait que la capacité à produire du biofilm à 16h ne soit pas en lien avec la production d’ADN extracellulaire par les souches de L. monocytogenes.
4. Analyses Statistiques
En procédant ensuite à une classification ascendante hiérarchique, les souches ont été groupées en fonction de leurs paramètres cinétiques, leur production d’ADNe et leur capacité à former des biofilm à 16h.
Comme le montre le dendrogramme (fig.6), les groupes ont été identifiés.
L’analyse en composante principale a pu comparer entre elles les trois variables que sont le taux de croissance, l’ADNe en demi phase exponentielle et l’ADNe en phase stationnaire vis à vis de la production de biofilm.
La représentation des covariances sur le cercle de corrélation (fig.7) montre que plus de 94% des variations sont expliqués avec les deux axes.
Chaque vecteur représente donc une des variables, et plus ces vecteurs sont à la fois proches entre eux et proche du cercle de corrélation, plus il nous est possible de supposer que ces variables sont corrélées.
On voit par exemple que les deux mesures d’ADNe semble plutôt corrélé, par contre le vecteur représentant la production de biofilm étant très éloigné du cercle il ne semble corrélé à aucun autre facteur.
Ceci est vérifié en regardant les graphiques de corrélation présents dans l’Annexe 2.
Toutes les souches sont reportées sur les axes de l’ACP (fig.8) en fonction de leurs valeurs pour chacun des paramètres. Les ellipses de couleurs représentent les groupes obtenus précédemment grâce à la classification ascendante hiérarchique (fig.6).
Les souches sont donc positionnées sur les axes de variabilité de l’ACP, leur positionnement confirme les groupes préalablement formés par classification. Comme les souches H14 et H16 du groupe bleu, les souches qui sont proches sur ce graphique, ont des valeurs pour les différents paramètres qui sont semblables. Si on analyse les ellipses formées sur la figure 8 et que l’on regarde par rapport aux axes de L’ACP ; l’axe 1 (Dim1) d’après la figure 7, semble être en lien avec la production d’ADNe prélevée en phase stationnaire on peut donc en conclure que les souches contenu dans l’ellipse ont une production élevée d’ADNe en phase stationnaire. L’axe 2 (Dim2) semble quant à lui être expliqué par le taux de croissance (fig.7), les souches contenues dans l’ellipse rouge en plus de produire peu d’ADNe mettent du temps à se développer.
Ainsi nous pouvons observer sur ce graphique qu’il n’y a pas de corrélation entre l’origine des souches et les groupes formés statistiquement. L’origine n’influence dons pas les quatre facteurs étudiés et sur les deux axes de l’ACP.
En faisant le même type de graphique mais cette fois ci en classant les souches selon leur ligné ou leur sérotype, on obtient les mêmes résultats (Annexe 3). Ces deux variables qualitatives ne semblent pas avoir non plus sur les quatre variables mesurées.
INTERPRETATION ET DISCUSSION
L. monocytogenes est un pathogène opportuniste ubiquiste qui peut donc se développer dans des environnements très variés. Le séquençage du génome de L.monocytogenes a mis en évidence un grand nombre de mécanismes d’adaptation (Buchrieser et al., 2007). L’espèce L. monocytogenes est répartie en 4 sérogroupes et 13 sérotypes distincts. L’objet de cette étude a été de comparer la diversité de 54 souches de L.monocytogenes en observant plusieurs paramètres phénotypiques et ensuite de voir si des corrélations étaient possibles.
En regardant les résultats obtenus pour la cinétique des souches, on observe une grande variabilité des caractéristiques de développement. Certaines souches pouvant atteindre la phase stationnaire en moins de 10 heures alors que pour d’autres 20 heures sont nécessaires. Néanmoins des groupes de souches ayant des caractéristiques semblables peuvent être observés. Par contre la provenance des souches ne semble pas influencer leurs caractéristiques de développement.
Par la suite l’étude avait pour but de voir quelle était l’influence de cette biodiversité sur la capacité de L. monocytogenes à former des biofilms. On observe très clairement que cette diversité se répercute sur la formation de biofilm, avec des souches pouvant produire près de trois fois plus de biofilm que d’autres. Là aussi l’origine des souches ou leur sérotype ne semble pas influencer leur capacité à produire des biofilms.
Le lien entre la phylogénie et la capacité à former des biofilms est sujette à controverse. Certaines études aurait montré que certains sérotypes (1/2b et 4b) produiraient plus de biofilm que d’autres (1/2a et 1/2c), ce qui aurait un lien avec la pathogénicité de certaines souches vis à vis de l’homme (Djordjevic et al., 2002). Mais d’autres affirmeraient le contraire (Borucki et al., 2003). Dans notre cas ce lien n’a pas pu être mis en évidence. Borucki et al., montrent qu’il y aurait une relation entre la capacité à former un biofilm et la persistance dans l’environnement, il n’est pas possible avec nos résultats de montrer cela ; toutefois nous pouvons remarquer que les souches provenant de surfaces abiotiques sont parmi celles qui produisent le plus de biofilm. Ces souches ont été prélevées dans une usine de production de fromage, connaissant les moyens mis en oeuvre pour l’hygiène et la qualité au sein des entreprises Agroalimentaire, on peut supposer qu’il s’agisse de souches persistantes.
Dans le développement de biofilm, la production d’exopolysaccharides est corrélé (Borucki et al., 2003) mais il semblerait qu’un autre composé, l’ADN extracellulaire permettrait la stabilisation du biofilm chez d’autres micro-organismes (Allesen-holm et al, 2006 ; Lappann et al, 2010) et aussi ches L.monocytogenes (Harmsen et al, 2010).
C’est pour cela que le dernier facteur étudié a été la quantité d’ADNe produite. Une fois encore une très grande variabilité suivant les souches a été observé. Quatre groupes ont pu statistiquement être fait associant les souches produisant des quantités similaires d’ADNe. Ces groupes n’ont pu être corrélés avec l’origine ou le sérotypages des souches.
Par ailleurs nous savons que l’ADNe est un composant essentiel de la matrice du biofilm, aussi bien pour la fixation initiale que pour le début de la formation de celui-ci (Harmsen et al, 2010).
Étant donné la quantité de données obtenues, les traitements statistiques étaient indispensables pour comparer les différentes variables. Dans un premier temps tous ces paramètres ont été pris en compte pour une classification ascendante hiérarchique. Quatre groupes en sont ressortis.
L’Analyse en Composante Principale qui a été effectué par la suite a permis de comparer objectivement les différentes variables les unes par rapport aux autres et par rapport à la quantité de biofilm. Deux axes ont été conservés pour la représentation graphique, le premier fortement induit par la production d’ADNe en phase stationnaire et le second par le taux de croissance (μ). On observe que mis à part les deux productions d’ADNe aucun facteur n’est corrélé à un autre.
Sur ces axes, les souches sont reparties selon leurs variables, on observe ainsi que les quatre groupes qui étaient ressortis avec la classification le sont aussi sur les axes de l’ACP.
Par contre lorsque l’on regarde avec les facteurs quantitatifs, on observe que les souches sont réparties dans toute la figure quelque soit leur origine, lignée ou sérotype.
Il est donc difficile d’expliquer le phénotype des souches avec ces facteurs.
La littérature nous démontre pourtant que le lien entre l’ADNe et la capacité à former un biofilm existe, les conditions d’études n’était peut être pas optimum. Le dosage a été effectué dans notre cas avec de l’ANDe produit en demi phase exponentielle et en la phase stationnaire de croissance de L. monocytogenes. Or nous savons que l’ADNe a une importance dans les étapes initiales de la formation de biofilm, il aurait peut être été plus représentatif prélever à ce moment là et non après 16h comme nous avons pu le faire.
Listeria monocytogenes est une bactérie ubiquiste, elle peut se développer dans tous types d’environnement comme au sein des Industries Agroalimentaires. Le problème est que sa pathogénicité peut causer de grave maladie tel que la listériose. La listériose humaine résulte principalement de l’ingestion d’aliments contaminés. Il y a peu de cas de listériose car les personnes à risques sont limitées aux gens faibles (femmes enceintes, personnes âgées) et immunodéprimés par contre le taux de mortalité pour les personnes contaminés est assez élevé (30%).
Du fait de ça présence dans les process alimentaires, les mécanismes de survie et d’adaptation de L. monocytogenes sont étudiés pour comprendre comment l’éradiquer efficacement.
Dans notre cas, la capacité à produire des biofilms a été étudiée pour 54 souches provenant de 4 origines différentes. En comparant cette production de biofilms à d’autres facteurs caractéristiques, le but était de voir si ces facteurs lui étaient corrélés.
L’ensemble des données obtenues permet de voir la diversité qu’il peut y avoir chez une espèce bactérienne. Enfin la confrontation de toutes ces valeurs a montré qu’il n’y avait pas de lien entre les paramètres étudiés. Il n’y a donc pas de niches environnementales avec des souches ayant les mêmes caractéristiques. Toutefois des groupes de souches ayant des caractéristiques phénotypiques semblables ont pu être identifiés sans pour autant pouvoir les relier aux données de la littérature.
Pour finir, ce stage a été pour moi une première découverte du monde de la recherche, il m’a apporté beaucoup d’expérience. J’ai ainsi pu développer ma curiosité pour un domaine que je n’avais pas encore découvert. Le travail d’équipe et les conseils m’ont permis de bien avancer dans ce projet bien que deux mois soient insuffisants pour pouvoir bien appréhender le sujet.
BIBLIOGRAPHIE
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Auteur: François Xavier Bergeron, 2011.
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